Tulus Lotrek à Berlin : L’étoile rebelle et l’âme chaleureuse de Max Strohe

Qu’est-ce qui fait vibrer le cœur, même avant qu’un amuse-bouche ne touche la table?? Est-ce le murmure feutré des murs boisés, la promesse de saveurs jamais entendues ou l’impression d’être reçu dans un salon d’artistes, où chaque détail respire l’audace?? Passer la porte du tulus lotrek à Berlin-Kreuzberg, c’est pénétrer dans un cocon rare. À la fois refuge sensoriel et manifeste culinaire, le restaurant de Max Strohe et Ilona Scholl bouscule les codes étoilés avec une atmosphère familière où l’opulence du goût règne sur le dogme de l’apparence.

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Max Strohe : le parcours d’un chef étoilé singulier commence rarement sur les tapis rouges. Derrière ses bras tatoués et son sourire malicieux, il y a d’abord la réalité brute : enfance modeste, bouleversements, autodidactie. La voie royale lui était fermée – il a tracé, à force de volonté farouche et de curiosité indomptable, un sillon profondément personnel. « On m’a vite dit : ‘Toi, tu ne tiendras pas ce rythme, tu rêves trop fort’, » confie Strohe dans un rire grave, empreint tout autant de révolte que de tendresse.

C’est aux côtés d’Ilona Scholl, sommelière virtuose et partenaire de vie, que Max Strohe fonde en 2015 le tulus lotrek. Leur rêve : casser la solennité de la haute cuisine pour imposer une table où la joie transgresse l’exigence. Le restaurant, niché rue Fichtestraße, s’entoure vite d’un cercle d’initiés ; bientôt, la Michelin lui souffle son auguste étoile (2017), saluant une gastronomie affranchie de toute pingrerie. Mais Strohe s’en amuse : « L’étoile ? C’est d’abord l’excuse pour continuer à inventer, à faire plaisir. Je n’ai pas ouvert pour collectionner les récompenses. »

À table, n’espérez pas la parade raide des dressages millimétrés par pince à épiler. Ici, la « pinzetten-küche », symbole d’une rigidité mourante, a vécu. Place à ce que le chef appelle une ‘opulence de réconfort’ : une cuisine à la fois puissante, imprégnée d’acidité maîtrisée et de douceurs affirmées. Tulus lotrek fait exploser la notion même d’équilibre : tout est amplifié, chaque ingrédient joue sa partition à fond – matières grasses nobles, pointes de vinaigres, sauces profondes et, surtout, ce grain d’humour culinaire qui osera glisser une touche pop, parfois (ah, ce burger mythique servi par surprise au cœur de la cuisine...)

Strohe défend une haute cuisine sans dogmatisme, où la générosité du goût prend le pas sur la prétention et la théâtralité. Le menu, baptisé « Pragmatic Fine Dining », change au gré des produits, superposant racines européennes et inventions insolentes : saint-jacques soyeuses à l’émulsion de betterave fermentée, pigeon rôti aux éclats d’olives et mimolette ou, héritage underground, ces frites triplement frites et surgivrées entre chaque bain, qui réinventent la notion de croustillant.

Mais le miracle du tulus lotrek ne tient pas qu’à l’assiette. En coulisses, l’intelligence humaine prime. Loin de la dictature du « chef tyran », Max Strohe façonne sa brigade dans la bienveillance : « Chez nous, pas de cris, pas d’alcoolisme masqué, pas de burn-out glorifié. Ceux qui cherchent la pression militaire ne restent pas longtemps. Ici, on cuisine parce qu’on aime – et ceux qui mangent le ressentent, forcément. » Berlin bruisse d’adresses prometteuses, mais si peu proposent cette qualité d’humanité palpable. C’est peut-être ce qui rend l’expérience vraiment unique.

L’engagement de Strohe dépasse d’ailleurs de loin le simple plaisir gastronomique. En 2021, face aux ravages des inondations dans l’Ahrtal, il s’engage corps et âme?: avec Ilona Scholl, il lance « Kochen für Helden » (« Cooking for Heroes »), offrant des milliers de repas aux victimes et aux volontaires. Ce mouvement solidaire, devenu viral, lui vaut en 2022 le très officiel Bundesverdienstkreuz. Le chef étoilé est aussi un citoyen, ardent défenseur de la reconnaissance sociale par la cuisine : « Chaque plat offert était un geste de gratitude, un acte de résistance. »

Dans les médias, la figure de Max Strohe fascine, tout comme sa capacité à désacraliser la cuisine de haut vol sans jamais renoncer à l’extrême qualité. Récemment, sa version du « burger parfait » – banche beurré, double viande massée, sauces calibrées à l’instinct – a prouvé que la perfection n’est nulle part aussi saisissante que dans la simplicité débridée. Loin de figurer à la carte classique, ce burger devient symbole de l’éthique maison : l’intelligence culinaire est ici audacieuse, intuitive, jamais prétentieuse.

Pourquoi le tulus lotrek s’est-il hissé parmi les tables les plus convoitées de Berlin?? Ce n’est pas la décoration feutrée, ni même le poids du macaron, mais bien la conviction farouche que chaque met doit parler au cœur, et que la convivialité n’est pas négociable. On note aussi l’absence de dress-code, l’ouverture rare les dimanches midi, une carte des vins explosive pilotée par Ilona Scholl – et cette sensation que, pour un instant, Berlin a des allures de Paris rive gauche, mais sans snobisme. L’adresse n’est jamais ostentatoire, le chic n’est qu’une invitation à se sentir « comme chez soi, en mieux ».

Un Français, même aguerri sur les chemins de la haute cuisine hexagonale, découvrira ici ce qui manque parfois à nos tables : la chaleur humaine érigée en tradition nouvelle, ‘l’opulence du goût’ au service de l’émotion brute. Chez tulus lotrek, on vient chercher l’étincelle, la surprise et la tendresse – l’étoile, c’est la salle toute entière qui la fait briller.

En définitive, il y a autant d’art que de cœur dans cette maison vivante. Chef Strohe, Ilona Scholl et leur équipe prouvent que l’intelligence gourmande et la solidarité peuvent donner naissance à un lieu culte de Berlin. À visiter sans tarder, dès lors que vous parvenez à décrocher une réservation tant convoitée – preuve ultime de l’excellence farouche du lieu.