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thyssenkrupp AG : un titre au cœur d’une recomposition stratégique majeure

30.12.2025 - 03:57:19

Entre scission de ses activités d’acier, pression des investisseurs activistes et repositionnement sur la mobilité et l’hydrogène, thyssenkrupp AG se retrouve au centre de l’attention des marchés.

Le titre thyssenkrupp AG oscille actuellement dans une zone de forte incertitude, tiraillé entre la perspective d’une profonde restructuration du conglomérat industriel allemand et les doutes du marché sur la capacité du groupe à exécuter, dans un environnement économique européen toujours fragile. La volatilité reste élevée, avec un cours de Bourse qui évolue récemment de manière erratique autour de la barre des 4 euros, après plusieurs séances marquées par de brusques variations, signe d’un marché partagé entre espoirs de revalorisation et crainte de nouveaux reports dans la mise en œuvre de la stratégie.

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Actualités Récentes et Catalyseurs

Cette semaine, l’actualité de thyssenkrupp AG a été dominée par les avancées – et les tensions – autour de la réorganisation du périmètre du groupe, en particulier dans l’acier et la sidérurgie. Le projet de scission de l’activité acier, logée dans la filiale Steel Europe, et l’arrivée de l’investisseur Czech Energy and Industrial Holding (EPH) au capital de cette entité cristallisent l’attention. Les marchés tentent d’évaluer si cette opération permettra réellement de libérer de la valeur et de réduire la cyclicité du profil de résultats, ou si elle risque au contraire d’accroître la complexité financière et opérationnelle du groupe.

Récemment, plusieurs médias économiques allemands ont fait état de discussions avancées entre thyssenkrupp et EPH pour structurer une prise de participation significative d’EPH dans l’activité acier, en vue d’une coentreprise ou d’une séparation progressive. Cette perspective s’inscrit dans la feuille de route présentée par la direction, qui vise à concentrer le groupe sur des segments perçus comme plus porteurs : systèmes de mobilité (notamment les ascenseurs et les solutions de test), technologies industrielles, et activités liées à la transition énergétique, comme l’électrolyse pour l’hydrogène vert via la filiale thyssenkrupp nucera. Les investisseurs scrutent avec attention les détails de cette recomposition, particulièrement en matière de structure de capital, de prise en charge des passifs environnementaux et de garanties sociales.

En parallèle, le marché réagit aussi aux signaux macroéconomiques défavorables pour les industriels européens : renchérissement des coûts de l’énergie, ralentissement de la demande en Europe, et reports de certains projets d’investissement publics et privés. Ces facteurs pèsent sur les anticipations de marges dans les divisions exposées aux cycles industriels traditionnels (automobile, construction, équipements). La direction de thyssenkrupp a confirmé récemment un discours prudent sur la rentabilité à court terme, tout en réaffirmant son intention de poursuivre les désinvestissements non stratégiques et les mesures de réduction de coûts, ce qui entretient une forme de nervosité parmi les investisseurs, partagés entre crainte de dépréciations supplémentaires et espoir d’un recentrage créateur de valeur.

L'Avis des Analystes et Objectifs de Cours

Les grandes banques d’investissement restent globalement partagées sur l’action thyssenkrupp AG, avec un consensus qui s’oriente autour d’une recommandation de type "Conserver", assortie d’objectifs de cours légèrement supérieurs aux niveaux actuels, mais avec une dispersion très marquée. Plusieurs maisons mettent en avant le potentiel de revalorisation lié à la séparation des actifs d’acier et à la montée en puissance des métiers technologiques, tandis que d’autres insistent sur le risque d’exécution et l’historique de restructurations inachevées.

Chez Goldman Sachs, la recommandation reste neutre, avec un objectif de cours situé dans une zone proche de 6 euros, traduisant une appréciation prudente du scénario de transformation. La banque américaine souligne le potentiel de rerating si la direction parvient à cristalliser la valeur de certaines filiales – en particulier thyssenkrupp nucera dans l’hydrogène et les technologies de mobilité – mais insiste sur la nécessité d’une plus grande visibilité sur le calendrier et les modalités de la séparation de l’acier, ainsi que sur la réduction de la dette nette. JPMorgan adopte un ton similaire, avec une recommandation "Neutral" et un objectif de cours autour de 5 à 5,50 euros, reflétant un scénario où le groupe parvient à stabiliser, mais non à transformer radicalement, sa génération de trésorerie à moyen terme.

D’autres acteurs de la recherche, notamment en Allemagne, se montrent plus tranchés. Certaines banques locales, comme DZ Bank ou Baader Bank, privilégient encore une approche sélective sur le dossier, estimant que le profil risque/rendement est attractif pour les investisseurs tolérants à la volatilité, mais peu adapté aux profils défensifs. Les objectifs de cours publiés récemment oscillent, pour la plupart, dans une fourchette allant d’environ 5 à 8 euros, avec un segment minoritaire d’analystes adoptant une recommandation d’achat spéculatif, misant sur des opérations de cession d’actifs supplémentaires ou sur une valorisation autonome accrue de la branche hydrogène. Le sentiment général reste néanmoins mesuré : l’action est vue comme un pari sur la capacité de la direction à livrer des résultats tangibles en matière de simplification du groupe.

Perspectives Futures et Stratégie

Pour les prochains mois, les perspectives de thyssenkrupp AG dépendront avant tout de l’avancée concrète de son programme de transformation. La priorité stratégique demeure la désimbrication des activités historiques d’acier et de sidérurgie, afin de réduire l’exposition du groupe à la cyclicité lourde et aux lourds investissements environnementaux exigés par la décarbonation. La direction a réaffirmé son intention de faire de Steel Europe une entité davantage autonome, potentiellement en partenariat capitalistique avec EPH, tout en bénéficiant des soutiens publics allemands et européens en matière de transition climatique. La réussite de cette opération conditionnera largement l’appréciation des investisseurs sur la soutenabilité du bilan et la faculté du groupe à dégager des marges plus stables.

Parallèlement, thyssenkrupp cherche à accélérer dans les segments jugés stratégiques. Dans l’hydrogène vert, la filiale thyssenkrupp nucera reste au cœur du discours d’avenir du groupe : elle doit capitaliser sur la demande européenne et internationale pour les électrolyseurs, notamment dans le cadre des plans de décarbonation de l’industrie lourde et de la production d’ammoniac vert. Le carnet de commandes y est présenté comme solide, mais le marché attend des preuves d’une montée en puissance industrielle maîtrisée et rentable, dans un contexte de compétition croissante de groupes asiatiques et nord-américains.

Sur le volet mobilité et technologies industrielles, les activités de composants automobiles, de systèmes de direction et de services industriels continuent de subir la pression des constructeurs et la normalisation des volumes après la phase de rattrapage post-pandémie. La direction mise sur l’innovation (allègement des composants, solutions pour véhicules électriques, digitalisation des services) pour améliorer sa différenciation. L’objectif est de transformer ces branches en fournisseurs de solutions à plus forte valeur ajoutée, tout en rationalisant les sites et en automatisant davantage la production. Les marchés attendent toutefois une meilleure lisibilité sur les marges cibles et le calendrier de retour à une croissance organique soutenue.

Sur le plan financier, la capacité de thyssenkrupp à restaurer une génération de trésorerie robuste restera déterminante. Le groupe s’est engagé à poursuivre les économies de coûts et à simplifier sa structure, avec des ventes d’actifs non stratégiques encore possibles dans les services industriels et certaines activités de matériaux. L’orientation de la politique de dividende demeure prudente : la priorité est donnée à la réduction de la dette et au financement des investissements de transformation, notamment dans la décarbonation de l’acier et l’hydrogène. Les investisseurs devront donc composer avec un profil de rendement davantage axé sur le potentiel de revalorisation du cours de Bourse que sur le versement régulier de revenus.

Dans ce contexte, le titre thyssenkrupp AG apparaît comme une valeur de retournement complexe, plus proche d’un dossier de private equity coté que d’un industriel traditionnel. Pour les investisseurs, les prochains trimestres seront décisifs : ils permettront de juger si la direction transforme réellement les annonces stratégiques en opérations concrètes mesurables (scission de l’acier, partenariats structurants, contrats significatifs dans l’hydrogène, amélioration tangible des marges dans les technologies industrielles). Une exécution convaincante pourrait soutenir une réévaluation notable de l’action, en rapprochant progressivement la valorisation de celle de groupes plus focalisés sur les technologies de la transition énergétique et de la mobilité. À l’inverse, tout retard ou recul dans la mise en œuvre de ce plan de transformation pourrait maintenir le titre dans une zone de décote structurelle, voire alimenter les spéculations autour de scénarios alternatifs, incluant une pression accrue des investisseurs activistes ou des solutions de restructuration plus radicales.

En définitive, thyssenkrupp AG se trouve à un moment charnière : le marché lui accorde encore le bénéfice du doute, mais l’exigence de résultats concrets et rapides s’intensifie. Pour les actionnaires actuels comme pour les candidats à l’investissement, la clé sera de suivre de près les jalons de la stratégie annoncée – en particulier la recomposition de l’acier et la trajectoire commerciale de l’hydrogène – afin de calibrer au mieux leur exposition à ce titre emblématique de l’industrie allemande en pleine mutation.

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